CYCLE DE CONFERENCES

"JEAN THIRIART : 
L'HOMME, LE MILITANT ET L'ŒUVRE", 

organisé par l'"Institut d'Etudes Jean Thiriart"
et l' "Ecole des Cadres Jean Thiriart"
(Départements de l'Asbl
"Association Transnationale des Amis de Jean Thiriart")

 

Copyright Luc MICHEL, 2001-2003,
tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
Conférence donnée pour la première fois à Bruxelles le 19 septembre 2003.

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"CONCEPTIONS GEOPOLITIQUES
DE JEAN THIRIART :
LE THEORICIEN DE LA
NOUVELLE ROME"
(2eme PARTIE)

 

DE NOUVELLES THEORIES IMPERIALISTES AMERICAINES APRES 1991

La victoire américaine de 1991, qui est largement surestimée dans les cercles conservateurs qui entourent le président Bush, va donner lieu à une nouvelle théorisation de l'impérialisme yankee. Les proches conseillers de Bush en donnent immédiatement une nouvelle définition : c'est le "Nouvel Ordre Mondial" au nom duquel les USA reçoivent la mission de "pacifier" le monde et d'y imposer les pseudo-valeurs du "libre commerce".

Les principaux théoriciens de l'impérialisme américain à l'aube du XXIeme siècle sont Francis FUKUJAMA, Samuel P. HUNTINGTON et Zbigniew BRZEZINSKI.

Leur théories, médiatisées par leurs livres et leurs articles dans les grandes revues américaines de politique internationale, prennent place dans un ensemble de recherches et d'activités liées directement au Pentagone et au State Departement.

En apparence, elles présentent des contradictions entre elles mais celles-ci ne sont qu'apparentes. Elles sont en effet plus liées qu'il n'y parait car elles représentent différents niveaux de la même pensée, notamment quand à leur projection dans le temps.

FUKUJAMA est le théoricien de la "fin de l'histoire" où il prophétise que le "dernier homme" sera celui de la vision idéologique américaine. On présente souvent les thèses de FUKUJAMA comme une vision trop optimiste liée à la victoire de 1991 et donc dépassée. C'est ignorer les travaux ultérieurs de cet auteur. FUKUJAMA représente au contraire la vision à long terme de l'impérialisme yanquee. Celle de ses buts ultimes (3).

HUNTINGTON (3 B) théorise les justifications idéologiques de l'affrontement de Washington avec le reste du monde. C'est une oeuvre à moyenne vision - les trois ou quatre prochaines décennies - destinée bien plus aux alliés supposés de Washington qu'au public américain. Ses théories sur "le choc des civilisations" visent à dissimuler les pratiques cyniques de la politique internationale américaine et à fournir une justification à une nouvelle politique de "containment", qui vise surtout la Russie et la Chine mais aussi l'Europe en voie d'unification, et à pérenniser celle-ci (4).

Disciple de Henry KISSINGER, souvent qualifié de "Richelieu américain" pour sa politique cynique et réaliste, BRZEZINSKI donne lui les conditions de la puissance américaine, destinées à assurer une domination planétaire durable. C'est la théorisation géopolitique de l'impérialisme américain.

Dans ces théories on trouve un curieux mélange de cynisme, de brutalité et de faux moralisme. C'est la traduction au XXIeme siècle de la "manifest destiny". Les USA ont une mission à accomplir. Ce qui est bon pour eux est bon pour le monde. Et le "libre commerce" assurera la paix mondiale. Chez BRZEZINSKI celà frise parfois la caricature, les plus brutales théories géopolitiques voisinant avec des réflexions idéalisantes sur la paix et le bonheur des peuples.

 

ROME OU CARTHAGE ?

On parle souvent d'"Empire américain". A tord ! Parce que l'idée impériale n'a pas grand chose à voir avec l'impérialisme mercantile et exploiteur de Washington, à propos duquel le terme de néo-colonialisme est plus approprié.

La géopolitique distingue clairement et oppose puissance maritime et puissance terrestre. L'exemple le plus accompli en furent les guerres puniques qui opposèrent la Rome terrestre à Carthage, puissance des mers. Aujourd'hui, les Etats-Unis, puissance maritime, sont une nouvelle Carthage accomplie : même consumérisme, mêmes valeurs marchandes, même horizon limité, même exploitation des colonies, même oligarchie ploutocratique aux commandes.

La puissance continentale est encore à venir. C'est contre elle qu'agissent les théoriciens de l'impérialisme américain. Et ce sont les conditions de son accomplissement que THIRIART s’attachait à définir.

Le choc de Rome contre Carthage est aussi celui de deux idéologies, de deux Weltanschauung. Hier comme aujourd'hui.

Le but ultime de THIRIART, le telos du Communautarisme européen, se situe au niveau de cet enjeu historique fondamental.

Du côté des Etats-Unis et des atlantistes existe une large école ploutocratique pour qui l'Europe doit être un des moyens du renforcement du capitalisme et de la Mecque de celui-ci qui se situe aux Etats-Unis. Ce sont les fameuses théories du « second pilier », qui voient notamment dans une organisation européenne de défense un pilier européen rénové de l’OTAN. Il existe une autre école, celle de Jean THIRIART ou des Eurasistes russes, pour laquelle l'Eurasie se fera inexorablement contre les Etats-Unis, pour qui il est impératif qu'elle se fasse contre Washington. Si THIRIART veut détruire politiquement les Etats-Unis, c'est parce qu'il leur oppose une vision du monde qui se situe aux antipodes de l'économisme consumériste prôné par Washington. L'Empire européen est pour lui avant tout une esthétique de l'homme, une solution et une alternative à proposer à toute l'Humanité.

 

QUELLE REPONSE POUR LES PEUPLES ?

Depuis plus d'un siècle, Washington se heurte à la cause des peuples qui ne veulent pas d'une destinée manifeste imposée contre leur culture et leur liberté. Face à l'anti-civilisation des "chiens heureux" annoncée cyniquement par FUKUJAMA (5), et qui pointe à l'horizon lointain de l'impérialisme yankee, la réponse des peuples est une nécessité brûlante.

Parce que les Etats-unis règnent en divisant, elle implique l'unité et la solidarité des peuples.

Cette problématique de l'unité des peuples face à l'impérialisme n'est pas nouvelle. En 1967, à La Havane, Castro lançait en compagnie de la Chine de Mao Zedong et contre l'avis de Moscou la "TRICONTINENTALE". Cette fameuse "TRICONTINENTALE" dont on rêvait à Hanoi où à la Havane vers 1967, a échoué. Elle n'a pas eu et n'aura jamais la force de venir à bout de la puissance américaine, même si hier la victoire du peuple vietnamien a permis de contester celle-ci.

Dès 1967, THIRIART proposait l’alternative : le « Front Quadricontinental ».

Aujourd'hui plus que jamais, il faut une alliance quadricontinentale contre l'impérialisme. La seule Europe occidentale détient aujourd'hui, comme en 1967, des moyens de puissances cinquante fois supérieurs à la "TRICONTINENTALE" (Asie/Afrique/Amérique latine). L'erreur commise hier à Cuba, à Alger, ou à Hanoi, a été de n'avoir voulu introduire la révolution que dans le pays pauvres, de ne pas avoir vu qu'il fallait introduire l'action révolutionnaire dans la colonie la plus riche des Etats-Unis, l'Europe. Le dogmatisme qui inspirait hier les capitales anti-américaines au nom d'une solution idéale les a conduit à l'immobilisme.

L’analyse de THIRIART est incontournable : La puissance industrielle américaine, renforcée de la puissance industrielle européenne, fait de celle-ci une super-puissance mondiale. C'est cette alliance des deux industries mondiales les plus avancées qui a contraint à la capitulation complète, économique et militaire, une URSS débile et asphyxiée. L'URSS est aujourd'hui disparue, le mythe communiste est usé, l'URSS a été battue à plat de couture sur le terrain de l'économie pure par le néo-capitalisme américain renforcé de sa colonie européenne.

La victoire finale contre les USA ne pourra être remportée qu’en Europe. Le rôle de l'Europe dans la lutte contre les Etats-Unis est le rôle primordial, le rôle capital. Pour déséquilibrer le colosse américain, il faut lui faire perdre son terrain d'action européen.

Au nom de la géopolitique, de la géostratégie et de la géoéconomie, indissolublement liées, BRZENZINSKI ne nous dit pas autre chose. Le sort de la superpuissance yankee se joue ici en europe. Et l'unité entre l'Europe et la Russie est le péril qui lui donne le plus d'angoisses.

Au nom de l'histoire et d'une vision occidentale de la civilisation et de la culture, HUNTINGTON décrit les "guerres de civilisations". D’autres, dans cette ligne,  parlent de « Djihad versus Mc World ».

Et si le choc des civilisations était celui qu'il n'attend pas - ou plutôt ne veut pas attendre - celui de l'Humanisme européen - qui implique le respect de toutes les cultures - et de l'anti-civilisation yankee, le Mc World ...

 

A L'HORIZON DU XXIe SIECLE :
L'ANTICIVILISATION DES "CHIENS HEUREUX"
OU L'"ETAT UNIVERSEL"

HUNTINGTON confond la langue avec la culture, les institutions imposées en Europe depuis 1918 par la force des armes et encore plus celle du dollar avec le choix des peuples, le conformisme social et le consumérisme imposé médiatiquement avec la civilisation.

Depuis quatre siècle, les Etats-Unis sont une anti-Europe, une machine à récupérer les idées de l'Europe et les retourner comme armes contre elle.

Comme HUNTINGTON, comme BRZENZINSKI, James BURNHAM dans son livre sur "la domination mondiale" a récupéré une idée née en Europe.

En 1932, Ernst JUNGER publiait son essai retentissant et souvent mal compris sur "LE TRAVAILLEUR" - DER ARBEITER -, où il prophétisait l'affrontement final de gigantesques Etats impériaux pour la domination mondiale et le triomphe de visions du monde antithétiques. Une vision précisée par Jünger dans "L'ETAT UNIVERSEL" publié en 1946.

Les théses de Jean THIRIART sur l'"Etat géo-idéologique", stade avancé de l'Etat continental géopolitique mettant en oeuvre sa vision du monde, et publiées dès 1965, s'inscrivent dans la perspective ouverte par JUNGER.

FUKUJAMA avec son horizon planétaire uniformisé de "chiens heureux" aussi. Hélas !

Le choix sera bien celui là. Où le cauchemar américain imposant aux masses abruties l'illusion du bonheur consumériste. Où l'Humanisme européen, né en Grèce il y a 2.500 ans, et offrant aux peuples un destin. Le choc bien réel de l'anti-civilisation yankee - le Mc World - et des cultures.

Les théoriciens de l'impérialisme américain dans leur arrogance nous avertissent des enjeux qui se jouent. L'avenir n'est heureusement jamais écrit dans les livres mais dans le combat des peuples. On semble l'ignorer à Washington ou à Wall-Street. Jean THIRIART nous le rappelait inlassablement. Puissions-nous ne jamais l'oublier !

 

Luc MICHEL

 
NOTES

(1) Disciple de Henry KISSINGER et adepte de la "real politique" comme lui, BRZEZINSKI, d'origine polonaise, est expert au Center for Strategic and International Studies (Washington DC) et professeur à l'Université Johns Hopkins de Baltimore. Il fut conseiller du président des Etats-Unis de 1977 à 1981.

(1B) Il faut noter que HUNTINGTON n'est nullement l'inventeur de sa thèse. En effet, le professeur marocain (Université Mohamed V de Rabat) Mahdi Elmandjra revendique l'antériorité de la prophétie exposée à propos de la guerre du Golfe dans son ouvrage "PREMIERE GUERRE CIVILISATIONNELLE" (Casablanca, 1992). Il emprunte aussi les thèses de l'historien français BRAUDEL sur la pérennité des civilisations sur les Etats et les Nations.

(2) Le point de vue de HUNTINGTON est radicalement contesté, notamment par les Français Chauprade et Thual, dans leur "DICTIONNAIRE DE GEOPOLITIQUE" (1998) pour lesquels "en globalisant les aires religieuses, on en vient à ignorer les fractures internes inhérentes à ces espaces civilisationnels". Ils ajoutent que "L'unité de l'Islam tient plus de la fiction que de la réalité" et accusent HUNTINGTON de faire du "simplisme et du manichéisme". "La centralité des mécanismes géopolitiques repose en première instance sur les continuités des Etats", concluent-ils.

Cette critique a un défaut : celui de ne pas rechercher le but des thèses de HUNTINGTON et leur rôle dans la diffusion et le défense de l'impérialisme américain. Car HUNTINGTON vise un but opérationnel direct : théoriser et justifier la confrontation entre les Etats-Unis et le reste du monde.

Certaines réactions ne laissent aucun doute. Kissinger voit dans "LE CHOC DES CIVILISATIONS" "le livre le plus important depuis la fin de la guerre froide" et BRZEZINSKI "un tour de force intellectuel : une oeuvre fondatrice qui va révolutionner notre vision des affaires internationales". Huntignton a en effet à leur yeux le mérite de proposer une vision des civilisations qui recoupe étroitement les conceptions géopolitiques des deux penseurs américains.

Sa vision de l'Occident qui unit étroitement et indissolublement Etats-Unis et Europe occidentale pérennise la mainmise américaine sur notre continent.

Sa thèse sur la civilisation orthodoxe, radicalement séparée de l'héritage gréco-romain commun partagé avec l'Europe occidentale et centrale, empêche toute union eurasienne de l'Atlantique à Vladivostok et combat les thèses sur la "Troisième Rome" et la mission de la Russie, antithétique de la "manifest destiny" américaine. Elle confine la Russie au mieux à un rôle de puissance régionale et au pire, un pire souhaité et théorisé à Washington, au démembrement. Ce n'est nullement un hasard si BRZEZINSKI a fait paraître dans la revue de HUNTINGTON en 1999 un article proposant le démembrement de la Russie en trois états (Russie occidentale, Caucase et Sibérie). Un article qui répond directement aux thèses eurasiennes adoptées par le président POUTINE et qui fit scandale en Russie, où l'on souligna que ce projet était déjà celui de HITLER et de ROSENBERG, le théoricien nazi du racisme et de l’expansion à l’Est du Germanisme.

Enfin, l'opposition proclamée entre Occident et islamo-confucéens empêche tout rapprochement euro-arabe et toute union méditerranéenne. HUNTINGTON oublie là fort à propos l'utilisation par Washington d'un certain islamisme radical contre l'Europe (Bosnie, Albanie), la Russie (Afghanistan, Tchétchénie, etc.) et les pays arabes opposés à sa politique, comme la Libye ou l'Irak.

(3) Francis FUKUJAMA publie en 1992 "LA FIN DE L'HISTOIRE ET LE DERNIER HOMME", où il développe la fameuse thèse qu'il avait émise en 1989 dans la revue «THE NATIONAL INTEREST».

Qu'entend FUKUJAMA par «fin de l'histoire» ? A la suite des philosophes HEGEL et KOJEVE, il considère que l'histoire résulte des antagonismes entre les différentes idéologies et formes d'organisations sociales, qui luttent chacune pour la reconnaissance. Or, avec la chute du Mur, l'effondrement du communisme et la victoire de la démocratie libérale, l'histoire, prise dans ce sens, s'abolit. Preuve est faite que le destin de l'humanité, c'est la démocratie libérale moderne, idéologie politique de l'impérialisme américain, qui, à défaut d'être parfaite, offre selon FUKUJAMA le meilleur des mondes possibles.

En 1997, avec "LA CONFIANCE ET LA PUISSANCE", Francis FUKUJAMA précise sa pensée et souligne que la majorité des nations s'oriente politiquement vers la démocratie et économiquement vers l'économie de marché. Dans ce nouveau livre, il développe une justification idéologique de la supériorité du modèle social américain et entreprend de démontrer qu'une corrélation existe entre «vertus sociales et prospérité économique», celles-là engendrant celle-ci. L'Etat-providence ayant dû battre en retraite. Il y prétend qu'il y a des pays plus aptes que d'autres au développement. Il oppose les sociétés familiales, comme la France, l'Italie ou la Chine, à faible degré de confiance généralisée, ce qui implique une forte intervention de l'Etat, et les sociétés de confiance, automatiquement plus prospères, comme le Japon, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Mais FUKUJAMA est surtout l'idéologue du projet de société américain à long terme, qu'il prétend être l'avenir ultime de l'humanité. C'est tout simplement l'accomplissement ultime de la "manifest destiny". Et c'est surtout une vision de cauchemar d'une société où le Politique et l'homme en tant qu'acteur de l'Histoire ont disparu, où le destin des hommes et des peuples est remplacé par un monde unifié, gris et sale, où le consumérisme accompli tient lieu d'ultime horizon. Alors triomphera le dernier Homme, plus soucieux d'assurer son bien-être que d'affirmer sa valeur par des oeuvres géniales ou par des guerres.

(3B) Professeur à l'Université d'Harvard, HUNTINGTON dirige le "John M. Olin Institue for Strategic Studies" et a été expert auprès du Conseil National Américain de Sécurité sous l'administration Carter. Il est aussi le fondateur et l'un des directeurs de la revue "Foreign Policy", où ont été exposées initialement ses thèses sur le choc des civilisations.

(4) Samuel P. HUNTINGTONest est venu corriger FUKUJAMA, le compléter. La fin de l'Histoire n'étant pas immédiate et les peuples étant résistants au "Nouvel Ordre Mondial" et à son horizon avilissant de "chiens heureux", il fallait théoriser les affrontements persistants et persuader les alliés plus ou moins forcés de Washington du bien fondé de la domination planétaire du système américain.

Il publie en 1996 "THE CLASH OF CIVILIZATIONS AND THE REMAKING OF WORLD ORDER".

Selon HUNTINGTON : "L'histoire des hommes, c'est l'histoire des civilisations, depuis les anciennes civilisations sumériennes et égyptiennes jusqu'aux civilisations chrétiennes et musulmane, en passant par les différentes formes des civilisations chinoises et hindoue". On distingue généralement, nous dit HUNTINGTON, la "civilisation", un concept français du XVIIIème siècle qui s'oppose au concept de "barbarie", des "civilisations", un concept anthropologique qui s'applique à "l'entité culturelle la plus large que l'on puisse envisager". "Les empires naissent, nous dit-il, et meurent, alors que les civilisations "survivent aux aléas politiques, sociaux, économiques et même idéologiques" (Braudel), pour en définitive succomber à l'invasion de tiers".

HUNTINGTON nous dit que pendant trois mille ans les civilisations séparées par le temps et par l'espace se sont ignorées. Puis la civilisation occidentale domina le monde jusqu'au XXème siècle. Mais l'influence de l'Occident ne cesse de se réduire : "la puissance économique se déplace vers l'Extrême-Orient, dont l'influence politique et la puissance militaire vont croissant. L'Inde est en passe de décoller. L'hostilité du monde musulman va croissant envers l'occident dont les sociétés non occidentales n'acceptent plus comme jadis les diktats et les sermons". "Peu à peu l'Occident perd sa confiance en soi et sa volonté de dominer". L''Occident restera le numéro un mondial pendant le XXIème siècle, mais inéluctablement "l'occident continuera à décliner" et "sa prépondérance finira par disparaître".

Donc conclut HUNTINGTON, "l'affrontement est programmé" au travers de "guerres civilisationnelles" entre la civilisation Occidentale et les autres civilisations du Monde. Parmi les adversaires principaux de l'Occident américain, les civilisations orthodoxe, islamiste et confucéenne (Chine et Asie).

(5) Dans une interview retentissante au quotidien "LE MONDE" (Paris) du 17 juin 1999, FUKUJAMA précise sa vision du "dernier homme", qui est incontestablement "la fin de l'histoire" : "Le caractère ouvert des sciences de la nature contemporaines nous permet de supputer que, d'ici les deux prochaines générations, la biotechnologie nous donnera les outils qui nous permettront d'accomplir ce que les spécialistes d'ingénierie sociale n'ont pas réussi à faire. A ce stade, nous en aurons définitivement terminé avec l'histoire humaine parce que nous aurons aboli les êtres humains en tant que tels. Alors commencera une nouvelle histoire, au-delà de l'humain."

C'est brutalement exposé le projet de société ultime de l'oligarchie américaine.

Dans la même interview, il précise par ailleurs la continuité de sa thèse sur "la fin de l'histoire" avec son projet orwellien de société : "Quand j'ai publié "La fin de l'histoire", en 1992, j'ai été submergé de critiques, mais je ne parlais pas de la même histoire que mes censeurs. Je voulais dire qu'avec l'écroulement du bloc de l'Est, de nombreuses questions fondamentales sur le plan de l'idéologie et des institutions qui avaient sous-tendu l'histoire pendant des décennies ont été plus ou moins réglées, du moins dans les pays développés. Aujourd'hui, les vrais problèmes se situent au niveau des structures sociales, religieuses, et de la culture."

L'homme sera alors devenu un "chien heureux" constate FUKUJAMA : «Un chien est heureux de dormir au soleil toute la journée, pourvu qu'il soit nourri, parce qu'il n'est pas insatisfait de ce qu'il est. Il ne se soucie pas que d'autres chiens fassent mieux que lui, ou que sa carrière de chien soit restée stagnante. Si l'homme atteint une société dans laquelle il aura réussi à abolir l'injustice, sa vie finira par ressembler à celle du chien». FUKUJAMA reste muet sur ceux qui seront les maîtres de ces chiens heureux, qui les tiendront en laisse ...

 

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