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EDITORIAUX
DE LUC MICHEL


EDITORIAL DU 24 JUIN 2004
EMISSION RADIO PCN

BOULEVERSEMENTS SUR LE "GRAND ECHIQUIER" :
UNITE ANTI-AMERCAINE EN ASIE !

« Certains de ceux qui soutiennent la démocratie, agitent la bannière
des droits de l'homme et battent le rappel contre le terrorisme ne sont en fait
qu'une bande de provocateurs résolus à prendre leur revanche sans égard
pour les conséquences. Ce sont des catins déguisées en gentlemen,
bien plus néfastes qu'Oussama Ben Laden ».
Général Liu Yuan (Quotidien de la jeunesse, Pékin, 16 juin 2004)

« Les exigences américaines d’un démantèlement total et vérifiable du programme nucléaire nord-coréen sont ridicules. Les Etats-Unis sont ceux qui ont violé les accords internationaux de non-prolifération d’armes nucléaires. Les Américains semblent convaincus qu’ils sont les seuls à avoir la ‘vision politique’ et les ‘normes’ pour faire la part entre le bien et le mal. Les Etats-Unis peuvent faire ce qu’ils veulent, et les autres pays devraient docilement suivre leur volonté. Ce genre de style estampillé US et découlant d’une logique de superpuissance et d’unilatéralisme ne marchera jamais avec la DPRK ».
Korean Central News Agency of DPRK (KCNA, 23 juin 2004)

1ère partie :
LE REDEPLOIEMENT MILITAIRE AMERICAIN
REVELE LA FAIBLESSE DE L'US ARMY

2ème Partie :
LA COREE, EPICENTRE DE LA CRISE ASIATIQUE :
LE RAPPROCHEMENT INTER-COREEN CONTRE WASHINGTON

3ème Partie :
UNION REGIONALE ANTI-AMERICAINE : LE PACTE DE SECURITE
DU "GROUPE DE SHANGAI" CONTRE L'US ARMY

4ème Partie :
LE CONENTIEUX SINO-AMERICAIN ET LA QUESTION DE TAIWAN

1ère partie
LE REDEPLOIEMENT MILITAIRE AMERICAIN 
REVELE LA FAIBLESSE DE L’US ARMY

Les événements d’Irak et du Proche-Orient ne doivent pas nous faire oublier que la volonté d’hégémonie mondiale de Washington a pour cadre le « grand échiquier » eurasiatique, où l’Asie occupe une place déterminante. Une Asie où les USA entendent contenir la puissance chinoise, faire reculer encore la Russie et mettre au pas leur adversaire déclaré la Corée populaire nationale-communiste.

Au XIXe siècle, on donnait aux manœuvres géopolitiques des grandes puissances dans la région le nom de « grand jeu ». Sous d’autres aspects, les rapports de force internationaux continuent à se jouer dans ces pays de l’Asie centrale ex-soviétique, exacerbés par la présence de ressources pétrolières.

Le redéploiement de l’armée américaine en Asie qui se prépare est là pour nous le rappeler.  

Les troupes américaines stationnées en Corée du Sud et au Japon seront en effet bientôt déplacées. Il s'agit de la première étape d'un redéploiement à l'échelle planétaire imaginé par le Pentagone. En effet, « Le grand redéploiement planétaire a commencé pour les troupes militaires américaines » précise LE TEMPS (Genève), qui précise qu’ « Une partie des unités déployées à l'étranger va être rapatriée aux Etats-Unis, tandis que les stratèges du Pentagone planifient la création outre-mer d'un réseau serré de "postes avancés". Cette vaste réorganisation a été accélérée par les attentats du 11 septembre 2001 ».

« L’administration Bush a présenté lundi 7 juin à la Corée du Sud un plan détaillé pour le retrait d’un tiers des forces américaines stationnées dans la péninsule », rapporte THE NEW YORK TIMES, qui précise que « cette réduction des effectifs devrait s’accomplir d’ici décembre 2005 dans le cadre d’un repositionnement des forces américaines dans le monde ».

Selon ce projet, 12 500 soldats américains, sur les 37 000 actuellement présents en Corée du Sud, seraient retirés, poursuit le quotidien. L’impérialisme yankee maintient une présence militaire dans la péninsule depuis la fin de la guerre de Corée, en 1953. « Dans le cadre de cette alliance mise en place il y a des dizaines d’années pour empêcher une attaque nord-coréenne, une seule réduction des effectifs a été opérée jusqu’ici, quand près de 7 000 soldats ont été retirés, en 1992 », rappelle le NEW YORK TIMES. Le projet actuellement à l’étude « inclurait le transfert déjà annoncé de quelque 3 600 soldats vers l’Irak durant l’été prochain ».

Ouvrons une parenthèse pour faire remarquer que les Etats-Unis, puissance maritime, sont incapables de faire face militairement à l’ensemble des théâtres d‘opérations coloniales sur lesquels l’aventurisme des faucons néo-conservateurs les a engagés. L’US Army n’est pas une armée nationale, c’est une armée de mercenaires, largement constituée non seulement des laissés pour compte de la société américaine et des minorités ethniques, mais surtout de soldats « latinos » recrutés à la périphérie de la métropole yankee,  et qui ne sont pas citoyens américains. « Les Etats-Unis recrutent déjà largement leurs soldats à l'étranger, en particulier au Mexique et en Amérique centrale. Une mission d'études est d'ailleurs venue en France pour se pencher sur le fonctionnement de la Légion étrangère », souligne LIBERATION (Paris).

Le recours à des mercenaires privés, pudiquement renommés « contractants civils », pour substituer l’US Army répond également à cette carence humaine.

Les USA n’ont pas les moyens humains de leur politique hégémonique. Dans ses livres sur le déclin américain, le politologue Olivier TODD démontre clairement que l’empire américain est sur le déclin. Jadis, Carthage, empire ploutocratique et marchand comme le sont les USA, succomba pour les mêmes motifs.

167.000 soldats américains sont actuellement déployés en Irak et dans la région du Golfe. « La première armée du monde est à cours de personnel ». « Honnêtement, ça tire », reconnaissait récemment le général John Keane, numéro deux de l'US Army, cité par le TIMES.

Mais revenons aux projets du Pentagone en Asie. Selon THE KOREA HERALD, « cette réduction des effectifs fait partie du Global Defense Posture Review » – ou GPR, réexamen du dispositif de défense global –, qui touchera aussi le Japon et l’Allemagne. « Le GPR est la nouvelle stratégie du Pentagone, qui prévoit une transformation du dispositif militaire des Etats-Unis au profit de forces plus légères et plus mobiles, afin de s’adapter à l’environnement de l’après-guerre froide et de tenir compte de la modernisation des armements et des exigences du XXIe siècle ». En effet, « les troupes américaines stationnées au Japon devraient être prochainement repositionnées », rapporte le quotidien japonais ASAHI SHIMBUN. Ainsi, une partie des 16 000 marines présents sur la base d’Okinawa sera transférée vers une zone d’entraînement située à Hokkaido. A ce sujet, l’ASAHI SHIMBUN publie une interview du ministre américain de la Défense, Donald Rumsfeld, dans laquelle ce dernier insiste sur le fait qu’ « il est parfaitement possible de réduire le poids des troupes dans les bases américaines tout en maintenant la même efficacité, grâce au développement des capacités militaires ». Interrogé sur les plans américains de réduction des effectifs en Corée du Sud, alors qu’au Japon c’est un simple repositionnement qui est prévu, Rumsfeld a souligné que « c’est une erreur de réfléchir en termes de quantité et de compter le nombre des soldats, des chars ou des bateaux de guerre. C’est une idée qui était valable au siècle passé, mais plus maintenant, où il faut réfléchir en termes de capacité, d’agilité et de rapidité opérationnelle ».

« Capacité’ est le mot en vogue dans le jargon du Pentagone », commente l’éditorialiste de l’ ASAHI SHIMBUN. Si l’on adopte le point de vue de Rumsfeld, il faudra transformer la présence militaire américaine actuellement « statique » en une force « agile » permettant un déploiement rapide des troupes, poursuit l’éditorialiste. Dans la région de l’Asie-Pacifique, le premier pas allant dans ce sens serait « la réduction des effectifs en Corée du Sud et le repositionnement des forces américaines à Okinawa, qualifié par Rumsfeld de ‘base très utile’, et qui permettrait un déploiement rapide vers la Corée du Sud, tout comme vers Taiwan ou l’Afghanistan ».

Le Pentagone entend ainsi sauver la face et faire illusion. Mais il s’agit en réalité de tenter de faire face au déficit militaire américain dans le monde.

Mais certains faucons américains ont de toutes autres vues, beaucoup plus offensives. Concernant les idées de Rumsfeld sur « l’adaptation des forces militaires aux nouvelles données de notre siècle », le WASHINGTON POST ne cache pas son scepticisme : « Pour les défenseurs de ce point de vue, il serait plus efficace de transférer des soldats actuellement stationnés en Corée du Sud ou en Allemagne vers de nouvelles bases plus sommaires et qui seraient établies dans les Républiques d’Asie centrale et en Europe de l’Est. De cette manière, il serait plus facile de déployer des troupes vers le Moyen-Orient, l’Asie centrale et d’autres points chauds potentiels ». Une étude publiée par le « Congressional Budget Office » expose que « tout déplacement des bases militaires situées à l’étranger nécessiterait des dépenses assez lourdes. Alors qu’actuellement on pourrait réaliser des économies pouvant dépasser le milliard de dollars, un remaniement des positions des troupes et leur réinstallation auraient un coût de l’ordre de 7 milliards de dollars ». De plus, selon la même étude, le repositionnement des forces armées apportera « au mieux une légère amélioration dans la capacité des Etats-Unis à réagir aux conflits lointains. Déployer les troupes à partir de nouvelles bases serait à peine plus rapide que de les déployer à partir des bases actuelles ».

Mais cette vision offensive a un cruel défaut : elle désigne directement et fort inopportunément les cibles du Pentagone, la Russie et la Chine. A un moment où Washington ménage officiellement Moscou et Pékin dans le cadre de sa « guerre contre le terrorisme ».

 

2ème Partie
LA COREE, EPICENTRE DE LA CRISE ASIATIQUE :
LE RAPPROCHEMENT INTER-COREEN CONTRE WASHINGTON

La question coréenne est l’épicentre de la crise en Asie. Pyongyang rejette en effet l’exigence US d’un démantèlement complet de ses programmes atomiques et les deux Corées prônent un rapprochement sur fond de négociations nucléaires.

Au moment même où Washington tonne contre PyongYang, les deux Corées multiplient les signes de rapprochement à quelques jours de nouveaux pourparlers multilatéraux sur les ambitions nucléaires du Nord, qui semble désireux d’améliorer sa donne dans la perspective de ces discussions. L’habile dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, dont l’intelligence politique est loin de la caricature donnée de lui dans les media occidentaux, a tendu la main à Séoul en appelant à une relance du rapprochement entre son pays et la Corée du Sud à la faveur de la « dynamique favorable actuelle ». « Le Nord et le Sud doivent poursuivre dans la dynamique favorable actuelle et développer largement leurs relations bilatérales ».

Le dirigeant nord-coréen n’a pas précisé ce qu’il entendait par « dynamique favorable », mais les deux Corées ont conclu au cours des dernières semaines des accords pour faire baisser la tension et développer leurs relations économiques. Dans un geste symbolique, elles ont cessé hier la propagande diffusée sur leur frontière terrestre depuis cinq décennies par des dizaines de haut-parleurs et de panneaux d’affichage. La veille, elles avaient déjà lancé une coopération pour mettre fin aux accrochages meurtriers sur leur frontière maritime contestée.

L’appel de la Corée du Nord survient alors que la Chine a annoncé la tenue, la semaine prochaine à Pékin, d’une troisième session de pourparlers multilatéraux sur les ambitions nucléaires de Pyongyang.

La Corée du Sud devrait à cette occasion renouveler son offre d’aide économique massive pour inciter le Nord à faire des concessions. « La coopération intercoréenne sera accélérée si la question nucléaire est résolue, et nous préparons dans cette perspective des programmes concrets et complets » pour remettre sur pied l’économie nord-coréenne, a déclaré hier le président Roh à l’occasion du quatrième anniversaire du sommet Nord-Sud de 2000. Il a ajouté que Séoul aiderait Pyongyang à rejoindre les organisations internationales pour que le Nord puisse avoir accès à la technologie et aux capitaux dont il a besoin.

Un camouflet à Washington, qui entend isoler la RPDC qualifée d’ « Etat-voyou », comme elle l’avait fait hier pour l’Irak ba’athiste. Et qui utilise notamment l’arme alimentaire contre Pyongyang.

Signe des temps nouveaux, à l'occasion du quatrième anniversaire du sommet intercoréen de juin 2000, les deux Corées s’engagent à poursuivre cette politique de rapprochement. « Une délégation de la Corée du Sud dirigée par Ryu Kyong Son, le président de l’association sud-coréenne pour l’échange culturel dans le Nord-Est asiatique, est arrivée le 13 juin à Pyongyang pour participer à l’exposition de photos organisée conjointement par les deux Corées pour commémorer le quatrième anniversaire du sommet intercoréen de juin 2000. Une organisation non-gouvernementale, "Laissons les enfants du Sud et du Nord se donner la main", dirigée Kwon Kun Sul, est également arrivée le même jour pour participer à cette commémoration », rapporte l’agence de presse de la Corée du Nord KCNA.

Un événement largement commenté dans THE KOREA HERALD, qui rappelle la division de la péninsule en deux parties ennemies après « la guerre fratricide de 1950-1953 » et les tentatives de rapprochement qui ont eu lieu en 1972 et en 1992 sans donner de résultats probants. Qu’en est-il de la déclaration adoptée lors du sommet du 15 juin 2000 promettant la paix et la réconciliation entre les deux Corées ? « L’accord conclu en 2000 se différencie des deux précédents, car il a été signé après des pourparlers directs entre les deux dirigeants », Kim Jong-il et le président sud-coréen de l’époque Kim Dae-jung, souligne le quotidien anglophone de Séoul. 

Cette déclaration commune « a permis l’accomplissement de progrès significatifs dans les relations intercoréennes, et cela malgré la poursuite par Pyongyang de son programme de développement d’armes nucléaires », poursuit THE KOREA HERALD, qui souligne que « Pour aller de l’avant dans la réconciliation et la coopération, il est nécessaire d’opérer un changement dans la mentalité du peuple coréen et dépasser les raisonnements en vigueur durant la période de la guerre froide désormais révolue ».

La Corée du Nord vient toutefois de rejeter l’exigence américaine d’un démantèlement complet, vérifiable et irréversible de ses programmes nucléaires aux prochains pourparlers de Pékin. L’Agence d’information de la Corée du Nord (KCNA) affirme que « les exigences américaines d’un démantèlement total et vérifiable du programme nucléaire nord-coréen sont ridicules ». Et ce sont les Etats-Unis qui sont désignés par Pyongyang comme « ceux qui ont violé les accords internationaux de non-prolifération d’armes nucléaires. Les Américains semblent convaincus qu’ils sont les seuls à avoir la "vision politique" et les "normes" pour faire la part entre le bien et le mal. Les Etats-Unis peuvent faire ce qu’ils veulent, et les autres pays devraient docilement suivre leur volonté. Ce genre de style estampillé US et découlant d’une logique de superpuissance et d’unilatéralisme ne marchera jamais avec la RPDC ».

Selon certains analystes, Pyongyang poursuit son offensive de charme pour enfoncer un coin entre Séoul et Washington au moment où les Etats-Unis ont annoncé vouloir réduire leurs effectifs militaires en Corée du Sud.

A noter que la troisième série de pourparlers à six  (Corée du Nord, Corée du Sud, Japon, Chine, Etats-Unis et Russie), au niveau des vice-ministres des Affaires étrangères, sur le programme nucléaire de la Corée du Nord aura lieu du 23 au 26 juin à Pékin. Les deux premières séries de pourparlers, en août et février derniers, n'avaient pas permis de résoudre la crise ouverte par l'annonce, par les Etats-Unis, de la reprise du programme nucléaire de Pyongyang en octobre 2002.

Cette reprise s'était soldée par la suspension des livraisons de pétrole à la Corée du Nord par les Etats-Unis et leurs alliés ainsi que par le retrait de Pyongyang du Traité de non-prolifération (TNP).

Jusqu'à présent, la Corée populaire de Kim Jong-Il a exigé légitimement des compensations économiques et des garanties de sécurité avant de renoncer à son programme nucléaire.

Et Pyongyang a face à Washington un allié de taille : Pékin ! « La Chine mettra tout son poids diplomatique pour défendre bec et ongles le régime nord-coréen », analyse LE FIGARO. « La position chinoise a été définie au plus haut niveau : elle a été imposée par les hauts responsables de l'Armée populaire de libération (APL). Les généraux de l'APL sont obsédés par l'idée que la Chine puisse être encerclée par des forces hostiles. Ils ne veulent à aucun prix de troupes américaines sur leurs 700 km de frontières communes avec la Corée du Nord, si le régime de Kim Jong-Il venait à s'écrouler. Ils ont également rappelé que la Corée du Nord était «un vieil ami» de la Chine ».

Pékin et Pyongyang sont en effet liés par un traité d'assistance militaire datant de 1961, qui stipule : « Si la Corée du Nord est attaquée par un pays tiers, la Chine assistera la Corée du Nord par tous les moyens ». Comme le remarque un bon connaisseur de ce dossier, cité par LE FIGARO, « pour les chefs du Parti communiste chinois, les intérêts stratégiques sont toujours passé avant les considérations économiques ». « Les dirigeants de Pékin ont donc tranché : ils feront la sourde oreille aux pressions américaines et protégeront à tout prix le régime de Pyongyang ». C'est dans cet esprit que la Chine, qui dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, s'est toujours opposée à ce que le dossier nord-coréen soit discuté à New York.

« Les Chinois veulent pérenniser le régime de Kim Jong-il, explique un diplomate sud-coréen. S'ils amenaient aujourd'hui les Nord-Coréens à reculer dans leurs prétentions vis-à-vis des Américains, la marge de négociation du régime de Pyongyang serait affaiblie lors de futures discussions, et surtout, le régime lui-même serait directement menacé de s'écrouler. Ce n'est pas tolérable pour Pékin : Kim Jong-il doit, selon les Chinois, obtenir ce qu'il veut des Américains ».

Pékin, pour donner un contenu acceptable à la défense de ses intérêts propres, invoque la nécessité de « maintenir la paix et la stabilité » dans la péninsule coréenne. Une politique déjà endossée par les Russes (Pyongyang est à quelques encablures de Vladivostok...) et les Sud-Coréens.

Les Etats-Unis se retrouvent bien isolés dans les discussions sur la question nucléaire nord-coréenne en raison de leur intransigeance face au régime de Pyongyang. Washington demande que la Corée du Nord abandonne totalement son programme nucléaire avant que le principe d’une aide économique. Cette demande est rejetée par le gouvernement nord-coréen et considérée comme irréaliste par le Japon et la Corée du Sud, les deux « alliés » américains dans cette partie du monde.

Les experts notent que l’inflexibilité de Washington n’est pas partagée par Tokyo et Séoul, qui semblent disposés à soutenir la stratégie de Pékin. Balbina Hwang, experte des questions asiatiques à la « Heritage Foundation » de Washington, souligne que Washington a réalisé qu’il ne pouvait empêcher les États voisins, la Corée du Sud et la Chine, de suivre des politiques indépendantes d’ouverture vis-à-vis du régime de Kim Jong-il. « La réalité est que certains pays ont davantage d’influence sur la Corée du Nord que les États-Unis, ce qui signifie que les capacités de Washington à peser sur l’attitude de Pyongyang sont limitées », indique-t-elle.

 

3ème Partie
UNION REGIONALE ANTI-AMERICAINE :
LE PACTE DE SECURITE DU « GROUPE DE SHANGAI »
CONTRE L’US ARMY

Mais les ennuis de Washington en Asie ne font que commencer. Car le bellicisme yankee inquiète l’ensemble de la région. A Tachkent, Ouzbékistan, vient de se tenir le  sommet des présidents du « Groupe de Shanghai » – Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan –, une organisation créée en 1996 pour assurer la sécurité régionale. Et connue en Anglais comme le « Shanghai Cooperation Organization », ou SCO.

Les media européens aux ordres de l’OTAN sont restés bien discrets sur ce sommet et l’accord qui l’a conclu. LE MONDE, ce moniteur de l’américanisme, évoquait ainsi un « sommet sur le terrorisme, les séparatismes régionaux et le trafic de drogue dans la région » (sic).

La presse américaine a, elle, été plus loquace. Il s’agissait en fait de conclure un pacte d’alliance, militaire, diplomatique et économique, destiné, selon l’ASSOCIATED PRESS, « à contrer la présence militaire américaine dans la région ».

L’AP ajoute que « la Chine et la Russie ont impulsé le SCO comme un moyen de répondre à l’augmentation de l’influence américaine dans la région après le 11 septembre ». Qui avait servi de prétexte à Washington pour s’implanter dans plusieurs pays issus de la défunte URSS, notamment en Ouzbékistan, au détriment des positions russes traditionnelles. Des troupes américaines ont ainsi été déployées en Ouzbékistan, au Kirghizstan et en Afghanistan.

Le nouveau Pacte ne fait qu’officialiser une politique anti-américaine de fait. « Comme le disent de nombreux analystes, le SCO est une réponse russo-chinoise à la présence américaine en Asie centrale. En août 2003, les pays de SCO ont procédé à des exercices militaires communs, au Kazakhstan oriental d’abord, en Chine occidentale ensuite. Le but officiel ? Lutter contre les séparatistes Ouïgours. Le but réel ? Marquer des points contre les Etats-Unis », analysait récemment LE NOUVEL AFRIQUE-ASIE.

L’un des buts du Pacte est d’aider la Russie « à redéployer son influence dans la région », mise à mal par la politique américaine qui vise depuis la disparition de l’URSS à expulser Moscou d’Asie. Comme Washington l’a déjà fait en Europe de l’Est – avec l’expansion de l’OTAN dans les trois Etats baltes – et dans les Balkans – le véritable but de guerre de l’OTAN  lors de l’agression de 1999 contre la Yougoslavie du Président Milosevic.

Aidé par ses voisins, dont la puissante Chine, Moscou marque à nouveau des points. La Russie a ainsi entamé un processus de rapprochement avec l'Ouzbékistan, dont les relations avec les Etats-Unis se sont récemment refroidies en raison de « violations massives des droits de l'homme ». Qui ne sont curieusement dénoncées qu’après que le régime ouzbéque se soit détaché de l’orbite américaine. La société pétrolière russe Lukoil vient de signer un contrat de un milliard de dollars pour l'exploitation d'un gisement de gaz en Ouzbékistan. Et la puissante firme russe Gazprom  mène des projets similaires.

Significative du recul américain en Asie est la présence, éminemment symbolique, du président afghan Karzai au sommet. Karzai y a déclaré que « l’Afghanistan était impatient de coopérer avec la SCO et d’ouvrir ses frontières au commerce régional ». « L’avenir de vos pays est fortement lié au futur de l’Afghanistan ». La chute des pions américains afghan et ouzbèk sur le « grand échiquier » eurasiatique, liée notamment aux promesses américaines non tenues – comme partout – de reconstruction, est révélatrice.

Elle témoigne aussi de la solidité du rapprochement stratégique entre Moscou et Pékin, amorcé depuis 2 ans et renforcé par l’agression yankee contre l’Irak. « Pour enrayer son déclin industriel, la Russie a besoin du marché chinois. Pour affirmer son ambition de grande puissance en devenir, la Chine a besoin des armes et de l'énergie russes (…) Un autre chapitre capital est le commerce des armes entre les deux pays. Les Etats-Unis et l'Europe étant bloqués dans leurs exportations d'armement vers la Chine par un embargo décidé après les massacres de Tienanmen, en 1989, la Chine et l'Inde absorbent 70% de la production des matériels militaires russes. Les Chinois veulent toujours davantage de chasseurs bombardiers Su 30 ou de destroyers Sovremmeny, équipés de redoutables missiles... La synergie entre la Russie et la Chine s'étend aujourd'hui à des échanges ultrasensibles. Elle permet à la Russie de se maintenir dans la course technologique et à la Chine de moderniser son armée. Elle forge une alliance de plus en plus cohérente entre les deux pays (…) Mais le fil rouge de cette réunion a été le rejet du cavalier seul des Etats-Unis dans la crise irakienne », précisait LE FIGARO. Qui ajoutait que « La Russie et la Chine sont des amis de longue date du régime de Saddam Hussein ».

 

4ème Partie
LE CONENTIEUX SINO-AMERICAIN
ET LA QUESTION DE TAIWAN

La Chine est aussi un allié de longue date de la Syrie ba’athiste, la seconde cible de Washington après l’Irak ba’athiste et le principal obstacle actuel – avec la Résistance ba’athiste irakienne – aux projets néocolonial américano-sioniste du « Grand Moyen-Orient » (1). Washington vient d’adopter le « Syria Accountability Act », qui veut frapper l’économie syrienne et les positions syriennes au Liban (2).

Le président syrien Bachar El-Assad entend y répondre par une politique d’accords économiques multilatéraux, destinée à briser le blocus économique engagé par les USA. La visite triomphale qu’il mène en cette fin juin en Chine est un camouflet chinois de plus infligé à la politique du gouvernement Bush.

Nos excellents confrères de RADIO-DAMAS affirment fort justement « que la visite importante du président Bachar al-Assad en Chine constitue un tournant distinct dans la marche des relations syro-chinoises vu la force politique, économique et humaine que représente la Chine dans la communauté internationale ». RADIO-DAMAS souligne « que les orientations politiques de la Chine et ses positions qui refusent l'occupation et la politique de deux poids deux mesures dans les relations internationales se conforment avec la crédibilité de la politique de la Syrie et la justesse de ses positions et de ses visions, indiquant que la Syrie cherche à établir des relations fermes avec la Chine reposant sur le respect mutuel et la coopération commune ». Nos camarades du quotidien damascène AL-BA’ATH rappellent que « La Chine a toujours soutenu les droits arabes et la paix juste et globale basée sur les résolutions de la légalité internationale et le principe de la terre contre la paix », soulignant « la détermination de la Syrie à poursuivre son offensive politique destinée à renforcer le dialogue et la coopération avec les pays du monde malgré les pressions que certaines parties cherchent à imposer sur les relations internationales ». Pour sa part, le journal  AL-SAWRA (La Révolution) précise « l'identité des points de vue de la Syrie et de la Chine à l'égard de la plupart des questions régionales et internationales » et exprime « sa conviction que cette visite préludera à une sorte de partenariat entre les deux pays notamment dans le domaine économique et renforcera davantage les relations syro-chinoises sur tous les niveaux ». Le journal ba’athiste met l'accent, enfin, sur « l'importance d'une attitude chinoise ambitieuse de nature à rétablir la stabilité et l'équilibre sur la scène internationale ».

Mais le contentieux sino-américain ne concerne pas seulement la politique internationale ou asiatique mais aussi et surtout une affaire intérieure chinoise : la question de Taiwan, cette province chinoise détachée depuis 1949 par le soutien apporté par Washington au régime réactionnaire de Chiang Kai-Chek.

La question de Taiwan connaît une nouvelle actualité due à deux facteurs : la montée en puissance militaire de la Chine et le soutien affirmé de Bush au gouvernement taiwanais. « e président américain est son mauvais génie depuis qu'il s'est engagé en 2001 à protéger "par tous les moyens" la démocratie taïwanaise d'une agression chinoise (…) La prochaine visite à Taipeh du général John Allen, responsable de l'Asie-Pacifique au Pentagone, confirme les pires soupçons de la direction pékinoise : il est l'officier américain le plus gradé à se rendre à Taiwan depuis la reconnaissance diplomatique de la Chine par les Etats-Unis, en 1979 », commente LE FIGARO, qui ajoute que « De son côté, le prochain président américain devra tenir compte d'une nouvelle réalité : l'inversion du rapport de forces dans le détroit de Formose. C'est sous son mandat en 2006 ou 2007 d'après les experts que la Chine aura compensé son handicap militaire et technologique avec Taiwan. L'hypothèse d'une attaque chinoise deviendrait alors moins invraisemblable, tout comme celle d'une implication des Etats-Unis dans la défense de l'île. Pour s'éviter d'avoir à tenir parole et à envoyer les boys, Washington a donc tout intérêt à faire monter les enchères ».

Et les USA le font avec la brutalité qui caractérise les faucons néo-conservateurs du gouvernement Bush. Parmi les projets militaires du Pentagone, rien moins qu’un encouragement à Taiwan pour une frappe sur le barrage des Trois-Gorges, orgueil de la Chine, en cas d’attaque chinoise contre l’île !

« Après leurs erreurs de calcul en Irak, les cerveaux du Pentagone viennent-ils de commettre une nouvelle bourde avec la Chine, seule rivale qui les inquiète ? L'idée, mûrie à Washington, que Taiwan pourrait inscrire le barrage géant des Trois-Gorges sur la liste de ses cibles en cas d'agression chinoise, vient en tout cas d'offrir à Pékin le prétexte de tester les plus gros calibres de sa propagande », analyse LE FIGARO. « Le Pentagone a sûrement été mal inspiré de prodiguer publiquement un conseil aussi extravagant à son "protégé" taiwanais : le barrage des Trois-Gorges, appelé à devenir le plus puissant ouvrage hydroélectrique de la planète, reste un objet de fierté nationale pour bon nombre des 1 300 millions de Chinois, quoi qu'on en pense en Occident. Le menacer, c'est atteindre toute la Chine (…) Au-delà de sa valeur "politique" en cas de conflit, le barrage est d'abord une retenue d'eau de 600 km de long et 150 mètres de haut suspendue au-dessus du bassin fluvial le plus riche et le plus peuplé de Chine (…) C'est précisément la valeur dissuasive d'une attaque contre le barrage qui semble avoir poussé le Pentagone à l'envisager froidement un demi-siècle plus tard, dans un rapport officiellement destiné au Congrès ».

« Brandir des menaces crédibles contre la population urbaine chinoise ou contre des cibles à haute valeur, comme le barrage des Trois-Gorges, dissuadera le recours de la Chine à la coercition militaire », écrivent les Docteur Follamour du Pentagone !

Soulignons en passant que de tels projets, qui rejoignent ceux de Clinton envisageant une frappe préventive contre la Corée populaire en 1996, donnent leur pleine légitimité aux projets de PyongYang visant à se doter de l’Arme nucléaire.

La réplique chinoise à ces projets criminels a été virulente et a pris des accents qui tintent fort agréablement à nos oreilles. Au nom de l'Armée populaire de libération, le général Liu Yuan, fils de l'ancien président Liu Shaoqi, a dénoncé violemment à la une du QUOTIDIEN DE LA JEUNESSE (Pékin) les faucons yankee : « Certains de ceux qui soutiennent la démocratie, agitent la bannière des droits de l'homme et battent le rappel contre le terrorisme ne sont en fait qu'une bande de provocateurs résolus à prendre leur revanche sans égard pour les conséquences. Ce sont des catins déguisées en gentlemen, (des terroristes) bien plus néfastes qu'Oussama Ben Laden ».

Au soir du 11 Septembre, alors que le monde bruissait des soutiens de façade affirmés envers Washington, nous écrivions que les USA finiraient seuls la guerre engagée pour l’hégémonie mondiale. Critiquée en Europe et en Amérique Latine, où le fossé se creuse avec les USA, haïe dans le monde arabe et musulman, contre les gouvernements compradores imposés par le State Department, voilà Washington bien solitaire en Asie !

Une personnalité américaine de premier plan a parfaitement résumé la situation au seuil du nouveau millénaire : « Tout dépend de la manière dont nous conduirons notre politique étrangère. Si nous nous comportons de manière arrogante, on nous rejettera ». Cette personnalité, c'était George W. Bush, lors du second débat télévisé de la campagne présidentielle. Ce jour-là, il avait un éclair de lucidité !

 

Luc MICHEL

 

(1) Lire : Luc MICHEL, "L'AGRESSION AMERICANO-SIONISTE EST UNE GUERRE IDEOLOGIQUE CONTRE LE NATIONALISME ARABE : APRES BAGDAD, DAMAS ET TRIPOLI SONT EN LIGNE DE MIRE !" (LE QUOTIDIEN DU PCN - N° 765, 7 octobre 2003).
(2) Lire : Luc MICHEL, "SANCTIONS YANKEE CONTRE LA SYRIE BA'ATHISTE : "UNE DECISION ISRAELIENNE DANS LA FORME, DANS LE FOND, DANS LE CONTENU ET DANS LE TEMPS" !" (PCN-INFOS HEBDO du 13 mai 2004).

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