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EDITORIAUX EDITORIAL DU 09 MAI 2005 L’OPPOSITION ARABE La répression contre l’opposition arabe en Mauritanie. Des graffitis anti-israéliens ont fait leur
apparition ce 2 mai sur des murs de Nouakchott, où des manifestations
étaient organisées pour protester contre la visite du ministre israélien
des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, a constaté un correspondant
de l'AFP. La
sécurité a par ailleurs été renforcée en différents endroits de la
capitale, et notamment à l'aéroport. Les slogans anti-israéliens, peints en noir,
écrits en arabe (une des langues dominantes de la Mauritanie) et non signés,
étaient visibles sur les murs d'établissements scolaires et
universitaires, de mosquées ainsi que sur des bâtiments privés de
Nouakchott. Ils condamnent la visite de M. Shalom, qualifié de « criminel
appartenant à l'équipe du pire criminel, Ariel Sharon », le
Premier ministre israélien, et appellent à sa mise en échec. Des organisations populaires et d'étudiants non
reconnues par les autorités – et proches du Ba’ath clandestin –
ont par ailleurs commencé à organiser des manifestations, ou s'apprêtaient
à les tenir pour protester contre la venue du chef de la diplomatie israélienne
à Nouakchott. Le « Pacte national pour la défense de la
Palestine et de l'Irak » a entamé un sit-in sur le campus de
l'Université de Nouakchott pour, selon ses responsables, exprimer « le
rejet total par le peuple mauritanien » de la visite de Shalom.
Le porte-parole du Pacte, Cheikh Baye Ould Dowla, a expliqué qu'il s'agit
d'une « manifestation pacifique », et appelé les
autorités à ne pas provoquer les manifestants pour éviter des débordements.
Des responsables de « l'Initiative étudiante
contre l'infiltration sioniste en Mauritanie » ont de leur côté
annoncé à l'AFP qu'ils allaient organiser un rassemblement devant le siège
du ministère mauritanien de l'Intérieur. Des
policiers anti-émeutes étaient visibles en différents endroits de la
ville, et plus particulièrement devant le campus de l'Université. La visite de Sylvan Shalom a été annoncée pour ce
lundi par un communiqué publié dimanche par ses services en Israël. Le ministre israélien des Affaires étrangères
Sylvan Shalom a fait lundi à la radio publique sioniste de Tel-Aviv l'éloge
du « courage » de la Mauritanie. « C'est une
visite très importante dans un pays qui a refusé de rompre ses relations
avec Israël au début de l'Intifada contrairement à l'Egypte, la
Jordanie, le Maroc, le Qatar et la Tunisie qui ont rappelé leurs représentants
à l'époque », a rappelé Shalom. « La Mauritanie a résisté
à des pressions intolérables (sic) et il y a eu deux tentatives
de coup d'Etat dont les instigateurs exigeaient notamment la rupture des
relations diplomatiques avec Israël », a également souligné
le chef de la diplomatie, évoquant la tentative de soulèvements
d’officiers proches du Ba’ath en juin 2003. Au cours de son séjour en Mauritanie, Shalom a
rencontré le président mauritanien, Maaouiya Ould Taya, le Premier
ministre, Sghaïr Ould M'Bareck, et le ministre des Affaires étrangères,
Mohamed Vall Ould Bellal. « Le processus politique au
Proche-Orient, la menace du terrorisme fondamentaliste musulman et le
programme nucléaire iranien figurent parmi les questions qui seront abordées
par M. Shalom à Nouakchott », avait indiqué ce 1er
mai un communiqué du ministère des Affaires étrangères. La tentative de soulèvement de juin 2003 et
– malgré la répression terrible, où la torture, les
arrestations illégales et les procès truqués sont la norme –
le dynamisme de l’opposition arabe, notamment parmi les étudiants, démontre
que le Ba’ath n’a pu être éradiqué en Mauritanie comme le
voulaient les nouveaux maîtres américains et sionistes du régime
fantoche de Nouakchott. Une vague d’arrestations destinées à briser les
Ba’athistes (pro irakien) de Mauritanie, organisés dans le « Parti
du renouveau national » – après que l’ancienne formation
ba’athiste, le « Parti de l’avant-garde nationale »
(Attalya), eût été dissoute par le pouvoir rallié aux américano-sionistes
en 1999, « le jour même où il rompt ses relations avec l’Irak
qu’il accuse d’une prétendue tentative de coup d’Etat pour laquelle
personne n’a jamais été arrêté. Durant la même période, la
Mauritanie devient le troisième pays de la Ligue arabe, après l’Egypte
et la Jordanie, à normaliser ses relations avec l’Etat d’Israël »
–, avait en effet directement suivi la chute de Bagdad. « Le PNR, qui défend les thèses du
nationalisme arabe et dont certains militants n’ont jamais caché
s’inspirer du parti Baas irakien, était à ce titre une cible privilégiée
du régime mauritanien »
précisait alors RFI. La presse avait alors écrit – oubliant comme en
Irak que le Ba’ath est le spécialiste de l’action clandestine –
que « le pouvoir donne le coup de grâce aux baasistes » :
« Le Parti du renouveau national a été la cible la semaine
dernière d’une vague d’arrestation qui a frappé ses principaux
dirigeants, commentait alors RFI. Le siège du parti à Nouakchott
a également été fermé. Les autorités mauritaniennes accusent cette
formation, qui défend les thèses du nationalisme arabe, d’«activités
politiques illégales ». Ces arrestations interviennent à quelques
mois de l’élection présidentielle prévue le 7 novembre prochain.
Elles sont surtout un gage donné aux Etats-Unis de l’alignement du régime
sur la diplomatie américaine. Nouakchott, qui avait pourtant soutenu le régime
de Saddam Hussein durant la guerre du Golfe de 1991, a brusquement changé
son fusil d’épaule. La Mauritanie, qui a ouvert une ambassade à Tel
Aviv en octobre 1999, a en effet rompu le jour même ses relations
diplomatiques avec l’Ira (…) En quarante-huit heures, quinze de ses
principaux militants, dont son secrétaire général, ont en effet été
interpellés. Les locaux du parti à Nouakchott ont également été définitivement
fermés par la police samedi matin. Officiellement le pouvoir mauritanien
accuse le PRN d’ « activités politiques illégales en
violation de la Constitution et de la loi sur les partis politiques ».
Les militants arrêtés risquent, dans ce contexte, entre deux et trois
ans de prison. Le PRN a violemment rejeté les accusations portées contre
ces militants, les qualifiant de mensongères ». L'opposant mauritanien Ahmed Ould Daddah, président
du « Rassemblement des forces démocratiques » (RFD),
avait qualifié de « petit commerce avec les Etats-Unis et
Israël » les arrestations de militants baathistes et
islamistes mauritaniens et avait vivement condamné « cette répression
aveugle contre les hommes d'opinion ». Pour lui, « le régime
mauritanien se livre à un petit commerce avec les Etats-Unis et Israël
en arrêtant ces personnalités de l'opposition au nom de ce qu'on appelle
aujourd'hui la lutte contre le terrorisme ». Il avait réaffirmé
son soutien à l'Irak et rejeté « l'occupation de ce pays arabe
et musulman par les Américains » qui, selon lui, « constitue
une entreprise de recolonisation et un jeu dangereux contre lequel toutes
les bonnes consciences doivent s'éveiller pour éviter une nouvelle
guerre mondiale ». REI ajoutait que « ces arrestations de
militants baasistes, qui interviennent à six mois de l’élection présidentielle,
sont à la fois importantes et anecdotiques, estiment de nombreux
observateurs. Elles sont importantes car elles frappent les principaux
dirigeants de cette formation politique qui ont été interpellés sans
mandat et maintenus dans un isolement complet. A cet égard, elles
constituent donc une énième violation des droits de l’homme en
Mauritanie (…) Et dans ce contexte, l’interpellation de ces
militants apparaît plus comme un message de soutien fort aux Etats-Unis,
qui viennent contre l’avis de la communauté internationale de mener une
guerre contre l’Irak (…) le pouvoir mauritanien ne semble pas vouloir
abandonner une occasion rêvée de se débarrasser d’une formation
politique très critique sur notamment les liens privilégiés
qu’entretient Nouakchott avec l’Etat israélien (… )cette nouvelle
vague d’arrestations qui frappe des militants baasistes regroupés au
sein du Parti du renouveau national apparaît donc comme un gage de
soutien à la politique américaine au Proche-Orient. Le président Ould
Taya qui a choisi depuis 1991 de se rapprocher de l’axe Washington-Tel
Aviv espère en échange l’appui des Américains lors de ce rendez-vous
électoral. La Mauritanie faisait déjà parti de ses pays qui ont appuyé
discrètement les Etats-Unis dans leur détermination à renverser le régime
de Saddam Hussein. Nouakchott avait ainsi symboliquement envoyé auprès
des troupes américaines dans le Golfe tous ses officiers de transmission
qui avaient été formés en Irak. En ordonnant aujourd’hui
l’interdiction du PRN, les autorités mauritaniennes donnent non
seulement le coup de grâce aux baasistes mais se placent dans les petits
papiers de Washington ». RFI ajoutait – grossière erreur – que « le
PNR est un parti politique qui ne représente pas de danger réel pour le
pouvoir en place ». Quelques semaines plus tard, en juin, des
officiers proches du Ba’ath rataient de peu un soulèvement militaire,
qui a suscité une « forte émotion enregistrée, au même
moment, tant à Paris qu'à Washington, Rabat, Alger ou Dakar ».
« Seule la Libye, dont la réaction à la tentative de putsch
s'est fait attendre, peut être considérée comme inamicale »
précisait L’INTELLIGENT. « A 4 heures du matin, ce 8 juin, les
putschistes de l'ex-colonel Saleh Ould Hanenna pensent avoir réussi leur
coup »,
écrivait le 15 juin 2003 L’INTELLIGENT, précisant que « ce
fut une tentative de putsch à l'arabe, pas un coup d'État à
l'africaine. Une affaire violente et sourde entre militaires à laquelle
la population ne prit aucune part. Elle a été préparée dans le secret,
gérée sans états d'âme ni déclarations (…) Pourtant, le 8 juin
mauritanien, c'est un peu le 11 septembre américain ou le 16 mai
marocain. Un choc majeur, traumatisant, même s'il fit très peu de
victimes civiles, dans une capitale qui n'avait plus connu le crépitement
des armes depuis le raid qu'y avait mené le Polisario, il y a près de
trente ans. A l'origine : un groupe d'officiers et de sous-officiers
du bataillon blindé dont la caserne est située dans le quartier Arafat,
sur la route de Rosso, à quelques kilomètres au sud du centre de
Nouakchott. En l'absence de leur chef d'unité, en stage à l'étranger,
ces cadres auraient été incités à agir par leur ancien commandant,
l'ex-colonel Saleh Ould Hanenna. Originaire de l'est du pays, celui-ci a
été exclu de l'armée, il y a un an, pour avoir critiqué devant ses
hommes le président Ould Taya ». « C'est, dit-on, un baasiste bon teint,
précisait RFI, Un nationaliste arabe, en tout cas, campé sur le
refus absolu de la politique proaméricaine mise en oeuvre par un pouvoir
qui a reconnu l'Etat d'Israël en 1999 ». Il s’en est fallu de peu que le soulèvement
patriotique réussisse : « Fort de sa quinzaine de chars et
de véhicules blindés de fabrication russe offerts par les Irakiens à la
fin des années quatre-vingt et réparés depuis par des techniciens
chinois, le bataillon pénètre dans le centre de la capitale vers 1 heure
du matin, le dimanche 8 juin. La colonne se divise en plusieurs groupes
qui prennent la direction du nouveau palais présidentiel, de l'aéroport,
de l'état-major, du siège de la télévision et de celui de la radio...
Le palais est pris d'assaut, tout comme l'état-major, où le colonel
Mohamed Lemine Ould N'Diayane, qui refuse de se rendre, est déchiqueté
par un tir de roquette. Au même moment, un petit avion d'observation
survole les lieux – ce qui signifie que les putschistes doivent avoir bénéficié
de complicités au sein de l'armée de l'air –, contraignant les
loyalistes à disperser leur riposte. Dans la confusion, les portes de la
prison centrale s'ouvrent, libérant plusieurs centaines de détenus (…)
A 4 heures du matin, les mutins pensent avoir gagné. A 6 heures, ils ont
perdu. Le premier instant de surprise, et parfois de panique, passé, la
gendarmerie et la garde présidentielle (le Basep) s'organisent et
opposent une vive résistance. Aucune défection n'est enregistrée dans
leurs rangs, et les rebelles ne parviendront jamais à diffuser sur les
ondes le communiqué de victoire qu'ils avaient préparé. Les loyalistes
tiendront jusqu'à l'arrivée, en fin d'après-midi, des renforts ». L’histoire du Ba’ath en Mauritanie est dominé
depuis des décennies à la fois par une forte influence politique
et des cycles sans cesse renouvelés de répression : « Le
paysage politique mauritanien a, bien avant l’indépendance, été
traversé par des courants nationalistes arabes, parmi lesquels un
mouvement nassérien et un mouvement baasiste. Ce dernier a longtemps tiré
son principal soutien financier du régime de Saddam Hussein (…) Ils se
distinguent par un discours socialiste, nationaliste arabe et laïc (…)
si les différents pouvoirs militaires qui se sont succédé de 1978 à
1991 se sont largement appuyés sur les baasistes mauritaniens, ils
n’ont pas hésité à les réprimer lorsque leur ascendant devenait un
peu trop important à leurs yeux. Ainsi en 1986, deux ans après son arrivée
au pouvoir avec le concours des baasistes, le président Ould Taya ordonne
une vague d’arrestations et de répressions au sein du Parti de
l’avant-garde nationale (Attalya). Les militants baasistes sont à cette
occasion expulsés de l’armée qui subit une purge importante. En 1989
et alors que les nationalistes arabes lui apportaient leur soutien lors
des graves émeutes raciales, le président mauritanien lance également
une nouvelle vague de répressions contre les militants baasistes. Ces relations pour le moins conflictuelles entre le
pouvoir et les nationalistes arabes n’empêcheront pas le gouvernement
mauritanien de soutenir fermement le régime de Saddam Hussein lors de la
guerre du Golfe de 1991. Une position qu’il regrettera amèrement avant
de changer d’avis et de devenir un ardent détracteur du pouvoir irakien ».
Les procès à répétition des opposants
politiques qui ont suivi les arrestations d’avril et juin 2003 sont
aussi une occasion pour les organisations de défense des droits de
l’homme, dont le courageux « Observatoire mauritanien des
droits de l’Homme » (*), de dénoncer la torture, les procédures
truquées et les arrestations arbitraires. Qui ne frappent pas
seulement nos camarades ba’athistes, mais de nombreux autres partis et
personnalités d’opposition arabes. Une campagne est notamment organisée – que nous
entendons soutenir largement – pour dénoncer les conditions bestiales
de détention dans la prison de Wad Naga (50 KM à l’est de
Nouakchott), justement qualifiée d’ « Abu Ghreïb
mauritanienne ». Face au pouvoir fantoche des valets de l’Axe américano-sioniste, la répression ne courbe pas les militants mauritaniens, elle les multiplie comme le démontre la visite contestée du ministre sioniste Shalom ce 2 mai.
Luc MICHEL (Sources : AFP, Reuters, AP, L’INTELLIGENT, RFI, Observatoire mauritanien des droits de l’Homme, Documentation personnelle de l’auteur) (*) L’Observatoire mauritanien des droits de
l’Homme (OMDH) est une institution indépendante qui œuvre pour la
promotion de la liberté et la défense des droits humains en Mauritanie.
Cet Observatoire, qui s’est « engagé à défendre les droits
fondamentaux de chaque mauritanien, indépendamment de son choix
politique, son milieu social, son appartenance ethnique ou linguistique »,
est déclaré en France comme Association Loi 1901, a été fondé par des
intellectuels Mauritaniens résidants en Europe et en Amérique du Nord. |
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